AMÉLIORER L’ACCÈS AUX SOINS DES MIGRANTS

Alors que la nouvelle campagne de prévention Sida Eté 2009 suit son cours, Afrisanté – association Afrique action pour la santé et contre le sida – préfère développer une autre approche de l’épidémie, celle d’un travail de proximité au quotidien. Des combattants de l’ombre au contact des communautés africaines, particulièrement fragilisées par le VIH.

L’épidémie est en constante évolution chez les migrants, en particulier auprès de la population d’Afrique subsaharienne. Les statistiques sont éloquentes : 2002, 3 femmes sur 4 de moins de 30 ans contaminées sont de nationalité d’Afrique subsaharienne. 2003, la moitié des nouveaux cas d’infection concerne ces femmes. La même année voit le jour à Marseille, l’association Afrisanté – présidée actuellement par le Dr Karamoko Coulibaly -, regroupant des médecins, juristes, sociologues et anthropologues. Fondatrice et directrice de la structure, Kodou Wade a mis à profit son expérience de militante et de professionnelle de la santé. Anthropologue de formation, elle avait réalisé sa thèse justement sur les questions de santé. Son livre – paru à l’automne 2008 – intitulé Sexualité et fécondité dans la grande ville africaine – Le cas de Ouakam aborde les comportements et opinions en matière de sexualité des adolescents en banlieue d’une cité africaine en nous donnant des éléments de compréhension sur la progression de la pandémie en Afrique. En outre, elle avait rédigé un article de référence pour l’Université de Bordeaux sur les actions de prévention et la politique mise en œuvre auprès des communautés de l’Afrique subsaharienne par Afrisanté.
« Des souffrances, des difficultés aiguës »
Sensible au constat alarmant au sein de cette population, Kodou Wade reconnaît « en tant qu’Africaine (elle est sénégalaise), l’intégration n’est pas facile ». Et de poursuivre « ce sont des catégories marginalisées avec des souffrances, des difficultés très aiguës. La maladie, le logement, l’emploi, l’illettrisme ou le durcissement des procédures de régularisation en Préfecture » sont autant de problématiques à résoudre. Selon la directrice, les personnes contaminées ont peur du jugement et en corollaire de l’exclusion en divulguant leur séropositivité. Depuis bientôt trois ans, Afrisanté possède un local au cœur de Noailles. Un lieu discret où la confidentialité revêt son importance. Des repas conviviaux, organisés tous les mois avec des groupes de femmes permettent d’engager des discussions autour d’un sujet toujours tabou.
Un réseau cohérent
La démarche de l’association s’articule autour de trois projets. Le premier porte sur l’accueil, l’accompagnement médico-social et la prévention. Afrisanté ne se limite pas à la prévention du VIH. Plus largement, la promotion de la santé (maladies chroniques, cancers, hépatites) est son cheval de bataille. L’équipe de trois salariés travaille en lien avec le pôle social de la Sécurité Sociale. La fragilité sanitaire du public est aggravée par la lenteur des procédures d’obtention d’une carte de séjour – durée parfois supérieure à un an -, le privant de droit aux aides sociales tels le RMI ou l’AAH (allocation aux adultes handicapés), au circuit d’hébergement notamment. Afin de réduire cette précarité propre aux sans-papiers, Afrisanté apporte une aide à la constitution de dossiers administratifs, à la médiation auprès d’autres structures telles *AAPI, TIPI, CIDAG, ADDAP 13, Réseau Santé Mistral, AIDES. Des aides à la vie quotidienne sont possibles avec une mise à disposition régulière de tickets services, de transport, de cartes téléphoniques par exemple. Des actions de prévention ici ou là-bas. Afrisanté peut être un relais d’information pour les associations humanitaires, oeuvrant pour l’Afrique. [image: JPEG – 32.1 ko]
Primo-arrivants, foyers ADOMA
L’association accompagne des primo-arrivants pour le contrat d’accueil et d’intégration, présenté par l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et signé avec le Préfet. Ces migrants doivent aussi passer leur première visite médicale en France. Fania Dahalali, comorienne apporte un éclairage sur son métier de prévention, « on parle de sida certes, mais notre approche est conviviale. On touche des personnes de même culture que nous. On est des femmes africaines et musulmanes ». Et Kodou Wade de renchérir « nous avons bien sûr des sans-papiers, on les accompagne dans leur démarche de régularisation. Car en France, on peut quand même aller se faire soigner » en passant par l’aide médicale de l’Etat (AME).
Le deuxième volet d’intervention concerne les foyers ADOMA (Félix Pyat dans le 3e arrondissement et Félix Zocolla dans le 15e) et les quartiers. Ces foyers hébergent beaucoup de migrants originaires du continent africain, confrontés à des problèmes d’illettrisme, de célibat durable, des conditions de vie difficiles en particulier. Un public qui est vulnérable devant le VIH, les hépatites et autres IST (infections sexuellement transmissibles). L’accès aux soins de santé est assez aléatoire, surtout pour les personnes vieillissantes. Afrisanté tente d’y remédier par une sensibilisation aux questions de la santé et de la lutte contre le VIH. En 2008, le partenariat avec l’AAPI s’est conforté. Le travail sera intensifié en direction du foyer Félix Pyat. « On intervient aussi dans les quartiers Félix Pyat et St-Mauront, les plus défavorisés de la ville » souligne Kodou Wade.
Dernier axe de travail sont les actions de prévention en espaces de sociabilité et milieux festifs. Ce projet a pour cible les usagers des nombreux commerces africains tels les maquis, les échoppes, les bars, de lieux culturels ou festifs sur Noailles et la Plaine. « Avec le temps, on est connu. On dépose des brochures et un stock de préservatifs. Les commerces sont devenus des relais de nos actions » explique Kodou Wade. « Dans les discothèques comme Taxi Brousse et Montréal, ou au Balthazar (café culturel), aux Docks des Suds, on met une table de prévention et on informe le public » poursuit-elle. [image: JPEG – 38.2 ko]
« Des avancées malgré des moyens dérisoires »
L’association estime à 4 000 le nombre de personnes touchées par leur action en 2008 et à « environ 1 600 passages à l’accueil du local ». Elle participe à des événements tels la journée internationale de la femme, la journée de l’esclavage, la fête du Plateau (à la Plaine), le Sidaction. Sa forte présence sur le terrain ne doit pas masquer « les problèmes de budget » et le manque de moyens humains – une petite équipe de 15 bénévoles, participant régulièrement à l’activité. « Il y a un réseau, oui. Mais les moyens sont dérisoires, des soucis se feront sentir dans la durée » avertit la directrice.
Satisfaction malgré tout. « Tous les problèmes ne sont pas réglés certes. Au départ, l’accès au dépistage et aux soins avant le diagnostic du stade sida était plus tardif auprès de cette population » explique Kodou Wade. « Mais ici, dans le quartier, depuis les débuts de Afrisanté, les choses n’ont plus rien à voir, on gagne du terrain », les africains se mobilisent davantage face à l’avancée de l’épidémie. Le travail de proximité durable de Afrisanté donne des résultats positifs et très encourageants.
*AAPI (association d’aide et d’accompagnement aux populations immigrées)
ADDAP13 (association départementale pour le développement des actions de prévention en Bouches-du-Rhône)
Le TIPI (association de lutte contre l’exclusion et d’accompagnement de personnes face au VIH et hépatites)
CIDAG (centre d’information et de

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